"Vivre Libre", de Jean RENOIR

La mère de Lory est-elle le personnage le plus insupportable (et donc le plus malvenu) qu'on puisse imaginer, ou bien ... une grande réussite de la part de RENOIR? Personnification de la possessivité (je crois que le mot n'existe pas mais il devrait) et de l'égoïsme élargi à la famille très proche, il (elle, la mère) rassemble et schématise ce qu'on a dit de la France pétainiste. Sorte de Jeanne d'Arc des collaborateurs. Quand je lis dans un petit dico de cinéma que RENOIR a fait un film de propagande*, je me demande. L'auditoire, lors des deux prises de parole de Lory, ne souhaite qu'être convaincu que beaucoup dans la salle sont comme le "lâche" Lory (c'est lui-même qui se présente ainsi), capables d'héroïsme. On est en 43, un peu après Stalingrad, et, donc, chacun peut se prendre à hésiter: quel est le bon côté, finalement? Période décisive. RENOIR montre bien cela, avec pas mal d'ambiguïtés dans certains personnages.

Il montre aussi (mais c'est peut-être un peu moins convaincant puisque Stalingrad a dû rendre les Allemands moins courtois) les occupants non comme des machines à tuer mais présente pas mal de braves gars ou des types réservés, fins, cultivés.  Propagande, caricature, donc? Pas très convaincu. Si forçage du trait il y a, on peut sans doute en trouver les raisons dans les nécessités de l'heure: il faut des types , des incarnations claires (résistant moral, notable collaborateur, commerçants profiteurs, résistant saboteur. Mais même ce dernier personnage est très ambivalent, faisant croire à tous, clandestinité oblige, qu'il est pro-allemand) pour que les boys sachent mieux pourquoi ils vont se battre. Dans ces conditions, la transformation de Lory, qui accède à l'héroïsme, peut être interprétée de deux façons:1)concession à un mécanisme narratif qui a fait ses preuves (et continue à les faire): la rédemption; ou bien 2) une façon de ratisser large (personne n'a forcément envie d'aller se battre, surtout si on est, comme la plupart des types ordinaires, un type ordinaire).

*pro-américain, bien sûr. Le film est fait aux USA. Grand Charles LAUGHTON, lumineuse Maureen O'HARA