Les Cinéphiles

Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Les Cinéphiles

Le forum des fous de Cinéma

-45%
Le deal à ne pas rater :
WHIRLPOOL OWFC3C26X – Lave-vaisselle pose libre 14 couverts – ...
339 € 622 €
Voir le deal

    the Searchers (la Prisonnière du désert) de John FORD

    marrou
    marrou
    Projectionniste


    Messages : 111
    Points : 148
    Date d'inscription : 30/05/2013
    Localisation : Sud

    john - the Searchers (la Prisonnière du désert) de John FORD Empty the Searchers (la Prisonnière du désert) de John FORD

    Message par marrou Mer 24 Juil - 7:26

    Entendu et vu récemment, dans un doc remarquable sur le montage, SCORCESE et SPIELBERG dire que les films qui sortaient maintenant allaient trop vite pour eux (si je les cite bien), le premier expliquant que c’était sans doute dû à ses origines italiennes, le second que si ses enfants appréciaient, lui  avait du mal. Le film de FORD, classique des classiques, beau comme une grande symphonie, a, de ce point de vue, de quoi désorienter les jeunes amateurs : on pose les personnages, on monte à son rythme (pas à celui de la mode du moment*), on ne craint pas de prendre son temps, de le perdre, pourquoi pas**. Il y a peut-être là une ligne de partage ou de moindre compréhension entre les cinéphiles d’avant et  ceux de maintenant.

        Comment parler d’un chef-d’œuvre ? En hasardant des hypothèses, des questions, en y revenant (c’est costaud, un chef-d’œuvre, ça résiste à pas mal de choses, de revisites, et, surtout, d’âneries, les miennes par exemple). Juste une ou deux, pour ne pas être trop trop long.

        1) Comment un type aussi cultivé que FORD (si, si) peut-il passer des « Searchers » à « Cheyenne Autumn » quelques années plus tard, seulement ? Il ne peut pas ne pas savoir ce qu’a été la Conquête de l’Ouest, et on ne change pas d’avis comme cela à l’âge auquel il semble voir les choses aussi différemment. Une explication, peut-être : un film, c’est seulement une histoire (donc « un catalogue de mensonges », comme le rappelait Stephen KING), et la religion de FORD est déjà faite bien avant « Cheyenne Autumn ». Si on cherche, dans « La Prisonnière … », c’est pour les besoins du récit, pour la mécanique du récit (et la fidélité au livre à la base du scénario, j’imagine) ; si Ethan scalpe à la fin (sale manie, quand même), c’est pour  qu’on reste cohérent avec la complexité du personnage, qui ne peut nier ce qu’il fut.

        Mais FORD sait déjà, avec  « The Searchers ». N’oublions pas que lorsque Debbie vient voir Ethan et Martin la première fois, si Ethan veut la tuer, c’est parce qu’elle leur dit que sa vraie famille, ce sont les Indiens. Toute cette recherche pour cela, si Debbie ne prononçait ces paroles décisives? Absurde. Une des beautés du film, c’est la complexité de la recherche en soi-même (qui suis-je, moi ? Un bonhomme qui veut casser de l’Indien ou un type capable d’oublier son passé pour permettre que se construise un avenir  sans haines ? Et Debbie : Indienne ou Blanche ? Elle hésite puis choisit). Mais certains cherchent, d’autres pas. Une des scènes les plus singulières du film (après le sublime moment où Ethan saisit Debbie, laquelle croit qu’il va la tuer,  la porte dans ses bras et lui dit : « Let’s come home, Debbie. ») est la presque fin où on voit la promise de Martin ignorer complètement Debbie enfin de retour et ne s’intéresser qu’à celui qu’elle aime.

        2) On se cherche tellement, avec les personnages principaux, que le spectateur s’y met lui aussi : Martin est-il le nigaud qu’il semble être  (c’est quand même lui qui tue Scar, et il conquiert ses galons en autorité et en dignité : aussi teigneux qu’Ethan et dédaigneux de l’offre de legs d’Ethan) ? Et lui, le métis, comment fait-il pour savoir si bien où il en est, alors qu’Ethan, à plusieurs reprises, a été soupçonneux sur ce sujet ? Ethan est-il le héros (il y a un roman d’apprentissage, certes, mais à la fin, la porte se referme –scène célébrissime- sur Ethan, resté dehors, absolument seul et inutile, maintenant que deux familles se sont retrouvées et vont se faire leur vie) ? Il est surtout l’homme du passé, sur lequel FORD semble tirer un trait ici. Film trompeur, chef-d’œuvre trompeur, en trompe-l’œil, peut-être : Ethan, vieilli, cheveux gris, n’est peut-être pas le vrai héros. FORD, en réalité, ouvre la porte sur ceux qui l’ont refermée derrière eux*** : les parents et les jeunes. Les vieux solitaires n’ont plus guère leur place. Sinon dans les histoires.


    *mais je ne sais pas si nous ne sommes pas condamnés désormais à cette scansion épuisante qui vise à conforter le spectateur dans ses habitudes et à l’impressionner plus qu’à l’amener à se servir de sa tête.

    **perdre du temps, c’est gagner autre chose, inappréciable, souvent pour le plaisir esthétique du spectateur et le souvenir qu’il garde d’un film, qui vit en lui pour ces raisons-là aussi : importance des décors, des lieux, des intérieurs (films de MINNELLI, ou d’autres. Souvenez-vous de « Shining » : une des prouesses de KUBRICK est d’avoir rendu obsessionnel cet hôtel dans l’esprit et la sensibilité du spectateur, pendant que les esprits des Indiens morts font leur travail dans la tête du personnage principal).

    ***scène préparée dans celle où Ethan prend Debbie dans ses bras, filmée en grande partie de l'intérieur d'une grotte, l'obscurité des parois annonçant l'obscurité du foyer retrouvé. Dedans, dehors, encore. Plan curieux qui s'explique peut-être par des considérations de ce type.

      La date/heure actuelle est Lun 6 Mai - 8:18