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    Brian Eno...

    Nio Nio
    Nio Nio
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    Brian Eno... Empty Brian Eno...

    Message par Nio Nio Dim 19 Mai - 22:26

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    Jeudi, Brian Peter George St John Le Baptiste de la salle Eno (ouf), dit plus rapidement Brian Eno fêtait ses 65 ans. L'occasion de non seulement s'organiser un petit jour personnel où je n'écoutais quasiment que ça toute la journée mais aussi revenir sur sa discographie "d'artiste" (Eno s'était toujours décrit comme un non-musicien) à part à travers une bonne poignée d'albums. Et encore... Je dois me restreindre sinon je commencerais à écrire un livre si je devais parler d'Eno.

    Parce que Eno c'est toute une légende, encore en activité qui plus est.

    Brian, c'est quelqu'un qui, à l'instar de Peter Gabriel chez Genesis, se déguisait sur scène avec Roxy Music (Bryan Ferry le virera après le second album, estimant que le non-musicien clown surdoué lui volait la vedette).

    Brian c'est aussi quelqu'un qui fait des expos d'art contemporain et bidouillera sa propre musique et vidéo dans son coin.

    Brian c'est aussi le gars qui a presqu'inventé la musique ambiant et l'a d'une certaine manière popularisée (on ne compte plus le nombre d'artistes qui lui doivent quelque chose).

    Brian c'est un bonhomme qui aime collaborer avec un peu tout le monde (il passe chez Genesis, bam, il livre avec le groupe leur meilleur album des 70's, The lamb lies down on Broadway).

    Brian c'est surtout un producteur monstre qui découvre des artistes, leur apporte un son extra-terrestre, des apports sonores (les fameuses "enossifications" des 70's), les conseille, leur livre des millions d'idées, les aide. Des Talkings Heads à Bowie en passant par U2, DEVO ou Coldplay, la liste est énorme --et encore, il doit en manquer.

    Bref, tout ce que Eno fait, il le transforme en de l'or en majeure partie des cas. Sa discographie elle-même renferme des styles différents et variés comme si le bonhomme, divinité omniprésente de la musique, entendait n'avoir aucune limite que ce soit ce qu'il livre ou ce qu'il produit.


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    Eno ? L'extraterrestre à gauche.


    ==========


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    Here come the warm jets (1974).
    Taking tiger mountain (by strategy) (1974).


    Fraîchement débarqué de Roxy Music, notre musicien entame une carrière solo pour l'instant pas encore placée sous le signe de la musique ambiant mais plus un rock glamour et franchement déjanté. Brian feule et hurle dans des ambiances savamment déréglées où la guitare de Robert Fripp (sur le premier album) fait des ravages. Malgré une foule d'invités prestigieux (Fripp, Manzanera, Phil Collins, Robert Wyatt...) sur les deux disques afin d'aider au mieux "le musicien" a produire quelque chose, j'avoue moins apprécié Taking tiger que warm jets. Sans doute parce qu'il est plus homogène et aplati au niveau du son. Vous l'aurez deviné, Brian est sur une piste et un morceau au ton "pastels" comme Taking tiger mountains semble presque annoncer la suite de sa discographie. En même temps, il y a des choses assez incroyable dans ces deux disques. Comme un Here come the warm jets qui anticipe pratiquement la noise de My bloody valentine avec presque 20 ans d'avance, un third uncle déchaîné ou un Driving me backwards aux allures de piano-bar de fin du monde où l'alcool semble plus que couler.







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    Brian Eno... 86660173_o Brian Eno... 86660175_o


    Another green world (1975).
    Discreet music (1975).
    Before and after science (1977).
    Music for films (1978).


    "The passage of time... is flicking dimly up on the screen...
    I can't see the lines....I used to think I could read between...
    Perhaps my brain has turned to san...

    Oh me Oh my...
    I think it's been an eternity...
    You'de be surprised... At my degree of uncertainty...
    How can moments go so slow..."


    (Golden Hours)



    C'est avec Another green world que l'oeuvre amorce un tournant vers ce qui va devenir le style principal d'Eno, une musique tournée vers l'instant, l'éphémère mais aussi le temps en lui-même avec l'ambiant. Déjà dans sa construction, AGW se tourne vers des morceaux plus courts et plus concis allant de 1 mn 30 (little fishes) à 4 mn au grand max (Golden hours). Avec toujours autant de titres décalés et poétiques, l'oeuvre se partage entre morceaux instrumentaux et titres contenant encore des paroles mais voués à se raréfier de plus en plus avec le temps : sur 14 morceaux, seulement 5 contiennent des textes, qui ne commence d'ailleurs pas forcément tout de suite. Ainsi sur les 3 mn 30 de Sky saw, Brian ne "chante" que vers 1 mn 45. On est déjà à la moitié de la chanson. Et nouveauté aussi, le "musicien" commence à baisser d'un ton, pour un peu il chuchoterait. Même les paroles cherchent autre chose qu'à décrire le quotidien (Golden hours, c'est un texte sublime sur le passage et la perte du temps). On est là à l'amorce de quelque chose, l'entrée vers un autre univers, la possibilité qu'une autre musique dans un autre monde vert puisse exister et s'offrir à nous si l'on veut bien tendre l'oreille. L'album que je conseille à tous les curieux car il est à la croisée des chemins.


    Dans la foulée, Eno publie un curieux album nommé Discreet Music qui lui permet discrètement d'entrer dans la musique ambiant même s'il ne le crie pas (encore) sur tous les toits. Une première face où à l'aide d'un travail sur les bandes magnétique il va jouer en parallèle une petite mélodie à deux rythmes différents, créant une sorte d'écho qui finit par mourir lentement. 30 minutes très douces et relaxantes, coupées de tout. Un bonheur si l'on est pas allergique aux formats longs et quelque chose de répétitif, proche d'une transe mais sans percussion, juste un synthé. En revanche la face deux peut aisément se revendiquer de la musique classique contemporaine cyclique proche de Philip Glass. Ici, Brian s'occupe de créer trois variations du mythique Canon de Johan Pachelbel en ralentissant la musique à l'extrême où bien sur une autre variation, en accentuant les aigus et les basses, jouant sur leurs durées... A la longue l'opération peut lasser un peu mais je ne dis pas non à la première variation qui aurait tout à fait sa place dans un film contemplatif.



    In dark trees. Un morceau qui sera repris ensuite dans plusieurs oeuvres. Dernièrement les Daft Punk l'utilisaient avec brio au sein de leur film Electroma.








    Before and after science renoue lui, une dernière fois avec des chansons glam-rock déjanté des deux premiers albums mais c'est en tenant compte des apports d'Another green world et Discreet music passés avant lui. A l'époque en train de produire Bowie sur les mythiques Low et Heroes, Eno choisit lui aussi de scinder son disque en deux faces distinctes qui, tout comme le thin white duke, dispose d'une face avec des "chansons", une autre, non pas totalement instrumentale, mais complètement différente. Comment expliquer dès lors qu'à l'écoute du disque tout s'explique ? Il y a clairement des morceaux "rock" (enfin, du rock à la Eno) puis à la 7ème chanson avec Julie with..., on entre dans la face B du vinyle, la seconde partie du disque. Cette fois, plus de rythme, une ouverture sur l'ambiant à travers des titres touchants, presque intimes et repliés sur eux-même, provoquant un contraste saisissant avec ce qui a précédé. Un bon album qui pourtant me laisse sur ma fin : si tous les titres sont bons, la seconde partie du disque enchaîne pour moi les perles au point que ce qui a précédé peut sembler fade (alors que non).


    Music for films s'inscrit dans cette lignée d'albums aux courtes pistes, cette brèche poétique et ambiant initiée avec Another green world. Comme le précise Eno dans les notes de la pochette, c'est un recueil de morceaux enregistrés pendant les 2,3 années précédentes (donc dans le même temps que l'auteur planche sur AGW), spécialement crées pour des bandes originales de films ou documentaires. Et le bonhomme étant archi-prolifique il y aura donc une "suite" en 2005, More music for films, avec à nouveau une foule de titres composés durant cette période finalement assez intense. Une suite bien supérieure à son modèle et faisant plus figure d'album à part entière que ce music for films qui penche plus du côté de la compilation plate. Qu'est-ce qui cloche ici ? Bien sûr les titres sont parfois très beaux (les trois versions de Sparrowfall peuvent même impressionner pour leur courte durée et l'aspect fortement émotionnel qu'elles véhiculent) mais d'une part il n'y a plus d'effet de surprise, plus de magie. D'autre part, coincé entre les oeuvres précédentes et le cycle ambiant qui commence juste après, le disque fait un peu pâle figure surtout que les compositions ne sont pas toujours réussies. Il manque quelque chose, on s'endort un peu et on trouve même de la redite, voire du vide. C'est néanmoins un disque intéressant et les fans d'Eno ne pourront pas passer à côté.






    By this river. Un titre redécouvert dernièrement dans La chambre du fils de Nanni Moretti.





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    Ambiant 1 : Music for airports (1978).
    Ambiant 2 : The plateaux of mirrors (avec Harold Budd - 1980).
    Ambiant 3 : Day of radiance (avec Laraaji - 1980).
    Ambiant 4 : On land (1982).


    Après avoir tâté le terrain, Eno amorce clairement une carrière placée sous le signe d'une électronique minimaliste et ambiant quand elle ne se permet pas de joyeuses échappées pop, voire ethniques et tribales (My life in the bush of ghosts en 1981 avec David Byrne, le leader des Talking heads, petite révolution qui utilise les samples de téléviseurs, radios, discours évangélistes (!) sur fond de rythmes world. Un disque passionnant). Point d'orgue d'un parcours musical fascinant qui n'en finit pas (pour le bonheur de millions de personnes), la série des ambiants qui est bien sûre loin de se cantonner à ses 4 disques principaux mais qui du moins pose des bases et directions qu'Eno reparcourera pendant longtemps, inlassable dans sa créativité inépuisable.


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    Verso du disque Ambiant 1.


    Ambiant 1 : music for airports semble contenir tout son programme dans son titre même. De l'aveu d'Eno, une musique qu'on puisse entendre dans un lieu peuplé et bruyant (un aéroport en est un bon exemple) et qui illustre dans le même temps cette notion de départ vers l'inconnu sans qu'on ait à se soucier d'une mélodie qui serait gâchée par les diverses nuisances sonores. En somme une musique de fond qui puisse apparaître et disparaître dans l'éther et se fondre dans nos vies le plus simplement du monde sans jamais trop en faire. La discrétion même donc, au son d'un piano léger et là, de quelques choeurs fantômatiques dans une structure vouée à se répéter tout en étant à chaque fois différente. Le verso du disque le montre clairement : pas de titres, juste l'indication graphique et abstraite de quelque chose qui crée un cycle, une frise même, dotée d'un motif se répétant mais qui, si l'on regarde bien, n'est jamais tout à fait pareil. De sa répétition et ses silences naît alors une étrange beauté qui en fait son charme. Ce principe de morceaux sans titres se retrouvera pour un Lux (2012) tout à fait dans la droite ligne de ses glorieux aînés d'ailleurs.



    Ambiant 2 : The plateaux of mirrors est lui à nouveau une nouvelle direction. Tout comme Ambiant 3, il s'agit d'une collaboration où un musicien intervient et Eno se met un peu plus en retrait, laissant l'artiste faire presque tout, se chargeant juste d'introduire une architecture sonore quand ce n'est pas la production. Ici avec Harold Budd, on se rapproche de la musique d'Erik Satie au piano. Et si c'est moins mélancolique que chez Satie, il y a en revanche une grande douceur, une espèce de tendresse et de beauté précieuse à travers de courtes pièces qui forment pour moi un régal de chaque instant. Mon préféré de la série des ambiant avec le 4.


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    Lux (2012) ou comment renouer avec un style inimitable.


    Ambiant 3 : day of radiance est un disque étrange. Il se rapproche plus de la transe que de la musique ambiant mais sans doute que la fascination et l'hypnotiques ressenties s'avèrent du même ordre, ce qui fait qu'on peut le prendre comme un nouvel opus du cycle... mais un peu à part. Ici, Eno s'associe avec Laraaji, musicien de rue rencontré lors de ses pérégrinations. Tout de suite l'ami Brian est fasciné par la capacité qu'à Laraaji de jouer sur des cordes une musique cristalline et continue sans aucune pause (ce qui peut d'emblée terrasser l'auditeur ou l'emmener dans quelque chose de beau mais qui dure, qui dure...). Le disque se partage entre les "dances" purement énergiques et enchaînant suites de cordes presque mécaniquement et les "meditations" où les cordes laissent entrer de la brume et du silence, semblant noyées au loin. Un beau disque mais assez spécial et à part, sans doute le plus faible des 4 volets.


    Ambiant 4 : On land est le plus sombre de tous. Des bruits inquiétants parfois perdus, de rares nappes de synthé et un son étouffé volontairement comme si la musique nous parvenait des ténèbres. C'est à la fois glaçant et proprement fascinant. Ce qui devait être à la base la musique d'une installation personnelle d'art vidéo de l'artiste s'est mué au final en un disque faisant naître d'étranges images et échappant à la simple illustration de quelque chose d'impalpable à l'écran. On dit que ce disque a inspiré d'une certaine manière le genre du "dark ambiant", ce ne serait pas étonnant au fond. Même les titres s'y mettent (une référence à la plage de Dunwich, petite ville de la côte du Suffolk en Angleterre mais aussi ville imaginaire des écrits horrifiques de Lovecraft). Et une nouvelle fois, la dernière, ces pochettes un par cartographiques, comme si l'on explorait des territoires inconnus. Ce qui l'était à l'époque d'une certaine manière et le reste plus ou moins aujourd'hui à l'écoute de ces disques étranges et brillants.






    Not yet remembered, un de mes morceaux préférés d'Ambiant 2.






    A clearing et ses petits bruits (Ambiant 4. Un disque a écouter dans le noir).

      La date/heure actuelle est Sam 18 Mai - 20:59