UNE SEPARATION (Jodaeiye Nader az Simin) de Asghar Farhadi (2010)

Très bon film.
On pense au cinéma social anglais, au cinéma roumain ( Mungiu).
C'est extrêmement construit, trop peut-être...le spectateur peut se sentir un peu manipulé par ce scénar super malin.
Mais c'est splendidement interprété, et la réalité quotidienne iranienne rend le film passionnant.
Mise en scène visant à l'efficacité manquant un peu de personnalité.
Dans le genre "film de procès exotique", je préfère largement "Lola" de Brillante Mendoza, mais "Une Séparation" mérite d'être vu.

De toutes façons, je suis dans ma période de "descente" après ma 2e vision de Tree of Life, et aucun film ne me paraît à la hauteur.
Peut-être le Cavalier qui sort Mercredi prochain ??? ...Patience...

wababelooba a écrit:
Mais c'est splendidement interprété, et la réalité quotidienne iranienne rend le film passionnant.
Mise en scène visant à l'efficacité manquant un peu de personnalité.

Les plans-séquences, il n'y a rien de plus efficaces en effet. Au contraire, je trouve qu'on vit mieux les émotions des personnages. Par contre, il y a des choses qui m'échappent, comme l'état d'esprit de la mère dans cette histoire.
Ce film est très bien fait en tout cas, la dernière scène, bien que bouleversante, arrive un peu comme une sorte de soulagement de tous ces déboires. Un divorce n'est pourtant pas facile à vivre, mais après toutes ces histoires d'accusations, c'est comme s'il ne pouvait y avoir rien de pire.

Remarques ou analyses pertinentes sur ce fil ou l'autre du forum ("en vrac, en bref"). Grain de sel sous forme de deux observations simples.

Cela fait des dizaines d'années que la critique littéraire (et cinématographique) parle d'oeuvre ouverte, entendant, on le sait, par là, notamment, que la fin d'un récit ne finit rien, qu'elle laisse du boulot à faire au lecteur, au spectateur. Ce qui m'a frappé, dans ce film, c'est qu'il collectionne les ouvertures, les éléments restés en suspens. L'argent du dédommagement est-il finalement donné? Et accepté? La jeune femme qui avorte a-t-elle volé l'argent (on suppose que non, mais, autre question dans la question: pourquoi ne serait-ce pas le père incontinent, après tout?). L'épouse qui veut quitter l'Iran part-elle? Etc. Bien sûr, la plus évidente: vers quel parent l'ado choisit-elle d'aller vivre? Ce n'est pas gênant: la vie est comme cela, savonneuse, incertaine, mensongère, jugement et choix aussi glissants et discutables à l'infini que l'est le procès (ou les procès) dont parle principalement cette oeuvre. Là est peut-être (?) l'originalité de ce film de procès (genre traditionnel, commme on sait): on a l'habitude d'avoir un peu de certitudes, de netteté, à l'issue des confrontations (même si certains films font sa part à l'ambiguïté). Ici, rien de cela; et dire aussi ... nettement la difficulté d'y voir clair, ce n'est pas si commode à exprimer, à traduire, avec une telle sobriété des moyens (impression de glu du réel, fermeture des espaces, importance des portes à cet égard).

On touche là à un second aspect. La censure iranienne ne passe pas pour spécialement large d'esprit. Question bête qu'on peut se poser: on voit bien ce qui aurait pu lui faire interdire l'oeuvre. Mais on voit aussi ce qui a pu l'amener à donner le feu vert: l'universalisation facile de tout ce qui est dit dans le film. Enlevez les serments sur le Coran, quelques détails (pudeur de la femme à propos de la toilette du père qui s'est souillé), il reste la difficulté de dire le condamnable dans la justice, la lutte de couches sociales (le pauvre ex-cordonnier endetté contre le petit bourgeois relativement aisé), thèmes exportables un peu partout dans le monde, donc pas spécialement iraniens. C'est peut-être, en partie, cette facile transposition de l'Iran à soi, son propre pays, qui a séduit tant de spectateurs du monde entier (on connaît le célèbre paradoxe: l'universel qui naît du particulier, du circonscrit). L'habileté du film, et d'autres réalisateurs iraniens ont dû aussi se plier au jeu chat/souris avec la censure, est d'avoir, parmi d'autres choses, joué avec ces deux pôles: ce qui est limité à un type de société et ce qui touche toutes les sociétés.

Depuis le temps qu'on m'en parle, et la manière dont on m'en parle je vais devoir m'y plonger au plus vite !!