THE WOMAN (Lucky McKee, 2011)

Lucky McKee (May, Red, The Woods) collabore avec Jack Ketchum (the Lost, The Girl next door, Offspring, Red) et livre un film coup-de-poing (expression galvaudée, mais très juste ici), particulièrement dérangeant.

L'histoire d'un père de famille mysogine qui trouve une femme sauvage dans la forêt, qui la capture, l'enferme dans son abri au fond du jardin et entreprend de la "civiliser".
En résumé faut voir ça comme une leçon de civisme. Une représentation de tous les trucs à ne pas faire si on veut respecter sa femme ou ses gamins. Le portrait du connard de base qui trouve fun de tabasser une femme et d'aller s'enfiler une sauvageonne en laissant sa femme au lit.

Les auteurs ont la bonne idée de ne pas tomber tout de suite dans l'ultra violence (on sait, on sent que ça va venir, du coup on frémit d'impatience, on tremble à l'idée de ce que nos yeux vont subir) et s'attardent sur chacun des personnages, sur leur histoire personnelle. Ce qui permet de nourrir les relations entre les membres de la famille et cette femme séquestrée. Qui sert donc de révélateur de personnalité. L'épouse soumise, le fils qui marche dans les pas de son père, la fille en proie à la panique, la petite dernière qui ne comprend rien. C'est plutôt intelligent. Parce que l'intérêt ne se focalise pas seulement sur la captive et sa situation dégradante (quelques scènes suffisent à nous faire ressentir sa souffrance), mais sur le dysfonctionnement complet de cette cellule familiale pourrie jusqu'à la moëlle. Alors bon, faut pas se leurrer, c'est quand même assez caricatural à plusieurs reprises, même si j'imagine bien que des individus comme le père existent réellement. Le problème n'est pas tant à ce niveau, mais plutôt dans sa représentation de salaud intégral. Encore que, il y a suffisamment d'autres choses dans le film pour que l'on ne se focalise pas là-dessus. En l'état ça reste une fable percutante sur la place de la femme dans la société.

Et comme prévu ça se finit dans un bain de sang bien dégueulasse.

Je sais que 2-3 autres sur le forum ont vu ce film, du coup j'aimerais bien avoir votre avis sur l'élément de surprise à la fin, avec les clébards... j'avoue avoir été un peu décontenancé par cette révélation.

Quand tu dis que tu sais que des gens sur ce forum ont vu ce film tu penses à qui? Parce que certains, dont je fais partie, ont bien vu une collaboration McKee/Ketchum au NIFFF mais il s'agissait de RED.

Etheroman a écrit:Quand tu dis que tu sais que des gens sur ce forum ont vu ce film tu penses à qui? Parce que certains, dont je fais partie, ont bien vu une collaboration McKee/Ketchum au NIFFF mais il s'agissait de RED.

Lorenzo, Chao, sauf erreur.. peut-être d'autres ?

Etheroman a écrit:Quand tu dis que tu sais que des gens sur ce forum ont vu ce film tu penses à qui? Parce que certains, dont je fais partie, ont bien vu une collaboration McKee/Ketchum au NIFFF mais il s'agissait de RED.

Il y en avait une autre bien plus traumatisante: The Girl Next Door. Et le patriarcat malsain avait le visage d'une femme effrayante.

J'y étais, mais je précise quand même que ce n'était pas un film de McKee. C'était mieux que RED d'ailleurs.

Etheroman a écrit:J'y étais, mais je précise quand même que ce n'était pas un film de McKee. C'était mieux que RED d'ailleurs.

Ah oui, c'est clair, je me suis focalisé sur Ketchum.

S'agissant de la révélation finale dans la niche, je vois celà comme la volonté du père de ne pas rendre public ce qui s'y cache car ne rentrant pas dans le cadre de ce qu'il considère comme "normal" ou "acceptable". En clair, il veut sauver les apparences.

Déçu. McKee et Ketchum recyclent plusieurs ouvrages de ce dernier (the Lost et The girl next door en tête). Résultat, l'impression d'avoir déjà vu ce film, d'en connaître les enjeux dès le départ... Bref, ça tourne un peu en rond.

Curieux, cette fascination pour l'horreur. Oui, on sait cela depuis longtemps, que déjà les enfants, avec les contes sanglants... . De ce point de vue non plus, les adultes ne diffèrent guère des enfants: terreur et attirance, ensemble.

Vu le film il y a très peu. Je me retrouve dans les observations de Colqhoun, notamment sur l'apparition saisissante et surprenante de l'autre femme détenue, dans l'épisode des chiens (mais l'épouse, dans une scène antérieure, dit à son mari qu'avec ce qui se passse dans cet endroit, il mérite déjà la prison; donc la scène est un peu introduite), et sur le côté féministe de ce film d'horreur. D'accord aussi sur l'aspect caricatural (d'où peuvent bien sortir ces deux femmes, sortes d'enfants-loups?). Mais ce qui m'a paru très troublant*, c'est l'impression, dans un genre  s'appuyant sur de l'extraordinaire, en principe, de se croire en terrain sinistrement familier: ces femmes emprisonnées, elles ont rappelé à tout le monde celles qui ont réussi à échapper à leur geôlier après dix ans de captivité, ce geôlier, comme dans le film, étant un citoyen en apparence tout ce qu'il y a de normal (parent d'élève attentif, bon professionnel, dans "the Woman"** etc).

Si le film peut ou veut donner à réfléchir, c'est aussi sur la facilité du glissement possible de l'autorité*** à la monstruosité, au moins dans le cas d'une personnalité gravement perturbée, comme l'est cet effrayant tyran domestique.

C'est également le genre en lui-même qui fait songer. Je me souviens avoir lu, dans un générique de film d'horreur, le nom, comme producteur, d'un acteur plutôt jeune très honorablement connu. Quel public est visé par ces investisseurs, quelle part du spectateur atteignent-ils avec ces films (certains insoutenables)? Que recherchons-nous, spectateurs qui nous y intéressons? Un frisson devant le spectacle de l'extraordinaire qui nous reste extérieur, ou l'inquiétude de voir les affinités de cet extraordinaire avec une réalité que nous pourrions bien rencontrer? Cela peut mettre mal à l'aise et attirer à la fois.

*inutile de parler du filmage un peu "sale", comme si on voulait faire coïncider l'horreur avec la quotidienneté, le banal, l'ordinaire. Mais cela rejoint mon propos très simple

**on rejoint les analyses connues sur la normalité des criminels de guerre nazis

***l'autorité en tant que telle, raisonnablement exercée, n'étant pas en cause