Bela Tarr, Bruno Dumont et surtout Andrei Tarkovski sont des noms qui viennent à l'esprit en découvrant ce singulier film belge. Parfois on se surprend aussi à penser à des oeuvres comme The Wicker Man. Car La Cinquième Saison, derrière son pitch apocalyptique (l'hiver se prolonge indéfiniment, la nature meurt peu à peu, plus rien ne pousse et la population de ce petit village sombre peu à peu), est une oeuvre qui déroute en même temps qu'elle convoque des références connues des amateurs de cinéma exigeant. La nature se meurt, donc. Après une tentative ratée d'avoir voulu brûler le bonhomme hiver, la petite communauté tente d'abord un repli sensé, en rationnant les vivres, en essayant d'organiser sa survie, avant que, peu à peu, les croyances mystiques et l'individualisme prennent le pas sur le peu de bon sens qui restait.
La Cinquième Saison nous conte la mort spirituelle d'une communauté. Sa perte de repères. La fin d'un monde qui va vouloir trouver un coupable à tout prix. Le déchirement des familles, des relations. La perversion des amours. La nature, qui amenait la Vie et le Renouveau, devient terreau de mort. Tout est boueux, tortueux, suintant. Et la caméra des deux réalisateurs osculte patiemment cette chute imperturbable. Avec une forme de sérénité visuelle contemplative, une photographie quasi monochromatique et l'usage modéré de ralentis qui nous permettent de saisir le poids des jours qui s'accumule sur chacun des habitants. Si le film n'évite pas, par moments, l'écueil de l'oeuvre aux épaules fragilisées par un abus de symboles et d'un ton parfois trop appuyé, il réussit toutefois à ne pas limiter son propos à la dénonciation écologique (ce que laissait fortement craindre le pitch) en s'intéressant à l'essence de ses protagonistes. Et comme si cela était une composante essentielle du cinéma belge, on trouve aussi, ci et là, quelques touches d'humour absurde, bienvenues. Un relief lumineux dans la noirceur d'un récit mortifère, qui se finit par ailleurs sur une ultime image à nouveau absurde et lapidaire.
Parce qu'il est animé d'un ton qui lui est propre, de personnages forts et d'un magnifique travail visuel et musical, le film réussit à s'extirper in extremis du poids des références trop lourdes à porter. Singularité belge qui mérite la découverte, ne serait-ce que pour la bravoure de ses interprètes. Ou pour cette scène d'ouverture amusante, mais déjà chargée de tout le malheur à venir, La Cinquième Saison se doit d'être découvert. Pour se rappeler qu'il est possible de livrer un cinéma ambitieux, beau et radical, dans l'océan de films tièdes qui sortent à tout va.
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