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    LES CRIMES DE SNOWTOWN (Snowtown) de Justin KURZEL (2011)

    marrou
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    LES CRIMES DE SNOWTOWN (Snowtown) de Justin KURZEL (2011) Empty LES CRIMES DE SNOWTOWN (Snowtown) de Justin KURZEL (2011)

    Message par marrou Sam 5 Oct - 2:14

    Journée du paradoxe. Le cinéma est peut-être une entreprise d’éducation publique autant que commerciale. L’école étant considérée le plus clair du temps comme un lieu d’ennui alors qu’elle est l’occasion de s’aérer l’esprit  avec du beau, d’apprendre à s’exprimer, de réfléchir par une initiation aux sciences, le cinéma fait le boulot à la place de l’école, grâce aux grands réalisateurs -mais aussi aux moindres à travers un film original  et stimulant au milieu d’une production standardisée-: on peut s’interroger sur la morale, l’économie, les questions sociales, la politique à travers des bons films. Mission pédagogique, même si on peut citer des gens  (je l’ai fait il y a peu, citer) qui peuvent prétendre, à juste titre, le contraire. C’était davantage vrai du temps des grands réalisateurs, mais maintenant aussi, on peut trouver de quoi réfléchir dans de grosses productions, même si la plupart des gens vont au cinéma pour retrouver des stars qu’ils aiment, voir les effets spéciaux (jamais très bien compris l’intérêt*), pour suivre l’actualité ciné.

    Que faire, dans ces conditions, de films comme celui-ci? Qu’il y ait plusieurs façons de montrer l’horreur: mise en forme, mise en histoire comme une histoire ordinaire « romancée »  (même si, je crois, cela partait aussi d’un fait réel), dans « Animal Kingdom », ou filmée sauvagement, ainsi dans ce film (scène du découpage du kangourou ou des tortures des victimes, images presque de qualité  amateurs, de documentaire tourné sans beaucoup de moyens**, personnages qui passent le plus clair de leur temps à manger quand ils ne tuent pas, ou, pour l‘un au moins, à se faire sodomiser ou rester éberlué de ce qu‘il voit), on reste dans l’horreur et avec la question: que veut-on dire aux gens? Avertir les âmes naïves de ce qu’est le « wild side » (mais qui ne se l’est pas demandé? A quoi on peut répondre: savoir n‘est pas voir)? Dissuader les amateurs, désireux d‘exercer la violence? Mon oeil! Satisfaire les envies de peur, de terreur, que chacun, enfant ou adulte, a en réserve? Faire de l’argent? Ces films, qui, à la fois fascinent et révulsent, sont des objets cinématographiques extrêmement ambigus : on peut les créditer de vertus positives (second paradoxe: le film d’horreur est un film moral, c’était dans ma première question: il nous rappelle l’horreur autour de nous et, possiblement, en nous***), comme on peut les créditer de choses plus suspectes: pourquoi ne me détourné-je pas, simplement, de l’horreur, puisque c’est de l’horreur?

    Ce qui ajoute à l’embarras, c’est que certains de ces films sont bien faits, voire très bien faits: « Animal Kingdom » montre méticuleusement, froidement, avec une belle photographie lisse, des marginaux très naturellement criminels quand ils estiment le crime nécessaire, une bande (on appelle cela une famille, c‘en est une) sous influence, celle d’une femme mielleusement et affectueusement diabolique: quand le crime devient une routine; tandis que « les crimes de Snowtown », de façon un peu parallèle, raconte la prise de pouvoir sur une famille**** par un type souriant, plutôt sympa, la différence, de taille, étant qu’ici la fascination  exercée par lui sur toute la famille vient de l’extérieur et s’accompagne d’une sorte de volonté d’enseigner et d’élever « en bon père de famille » les enfants de sa concubine, mais à sa manière de tueur en série qu’il est (pour le plus âgé). Films qui s’interrogent sur les limites, la morale, le pouvoir, sur le soupçon qui peut peser sur la cellule constitutive de nos sociétés: la famille.

    Questions, donc. Une dernière: l’amateur de ce genre de film, est-il, comme BAUDELAIRE appelait son lecteur dans l’ouverture des « Fleurs », « mon semblable, mon frère »? J’allais écrire: »Tu parles, Charles! », mais j’aurais honte: non, simplement, frères nous sommes, et ces films nous parlent au moins un peu de nous et il n’y a pas de quoi être très fier de ressembler, si peu que ce soit, à cela.

    *s’ils ne sont pas au service du récit
    **c’est très efficace: rappel du réel. SOKOUROV dit, dans un doc à lui consacré: « La fiction et le doc sont simplement deux instruments d’un seul et même travail, deux instruments différents »
    ** *il y a une terrible interprétation à faire de la célèbre phrase classique: « Je suis homme, et rien de ce qui est humain ne m’est étranger ».
    ****journée des citations aussi: de quoi se rappeler le célèbre « Familles, je vous hais! » de GIDE, qui avait une autre perspective dans la tête, même si, souvenez-vous, dans les Faux-Monnayeurs, je crois, il avait inventé l’acte gratuit, le crime gratuit (balancer un passager, n’importe lequel, du train par amour de l’absurdité et manque d’amour particulier pour ses semblables)

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