BLACK SWAN de Darren Aronofsky (2011)

Je me disais aussi que si j'ai trouvé con ce que d'autres ont trouvé brillant, j'ai dû loupé un truc.

Spoiler:

LvT a écrit:

La mère de Requiem et celle de Black Swan n'ont absolument rien à voir en commun.

A part que les deux semblent sérieusement dérangées et qu'elles se cloitrent chez elles pendant la totalité du film.
Ca devient tout de même une vision de la mère récurrente chez Aron.

J'ai aussi trouvé qu'elles se ressemblaient physiquement, au point que je me suis demandé quelques secondes si c'était la même actrice.

Je crois simplement au final que Ellen Burstyn et Barbara Hershey sont deux actrices de sensibilité artistique similaire.

Parce qu'il met en scène deux "folles" dans deux films différents, on l'accuse gratuitement de refaire le même personnage. L'une couve sa fille de manière extrême, l'autre non, c'est même son fils qui profite d'elle. Elle ne sont pas dérangée de la même manière. Celle de Requiem disjoncte en voulant retrouver son physique de jeune fille et prend des drogues pour y parvenir et celle de Black Swan fait partie de ces parents frustrés qui poussent leur enfants à réussir là où eux n'ont pas brillé, exerçant par là un transfert malsain sur leur progéniture.

je l'ai vu hier soir. j'ai beaucoup aimé et je pense que LvT le défend mieux que moi.

petite anecdote: une fille dans la salle à fait un malaise pile sur le générique de fin. on a dû appeler l'ambulance, de quoi jeter un froid et un malaise en plus sur la projection

C'est un film pas facile à décrypter mais d'une grande richesse, je trouve. Et il s'y dégage une atmosphère assez folle. Je me demande d'ailleurs si Aronofsky ne s'est pas inspiré du long-métrage de Peter Del Monte, ETOILE avec lequel il présente beaucoup de similitudes!

Et l'histoire du malaise, ça ne m'étonne pas. Il y a quand même des choses très impressionnantes dans le film. Ca donne encore une "aura" encore plus forte au film avec ce genre d'événement.

Une fois, il y a très longtemps, j'ai dû écrire une rédaction sur le thème "Il y a autant de livres que de lecteurs"

Si j'ai vu la rivalité dans ce film - et on ne pourra pas dire qu'il n'en est jamais question - c'est parce que c'est qqch d'actuel dans ma vie en ce moment. J'y ai aussi vu la recherche de la perfection, puisque ce film m'a fait penser à une collègue qui était le double de Nina/Portman, elle avait une façon quasiment autodestructrice de rechercher la perfection (voir mon message plus haut).

Si j'ai comparé ce film à Billy Elliott ou Little Miss Sunshine, c'est à cause de ce schéma récurrent, surtout dans le cinéma US: un jeune a un rêve, mais ce rêve paraît complètement fou parce qu'il est pauvre, que son père est parti, que sa mère boit, etc... J'ai choisi ces deux films "pour rester dans le domaine de la danse", mais on retrouve ce même schéma avec un jeune qui veut devenir champion de baseball, remporter un match de boxe, un concours de danse disco (tiens, encore la danse ), gagner le marathon de NY, devenir président des Etats-Unis, que sais-je. Dans le créneau "danse", il y a aussi "Save The Last Dance For Me". Ca ne veut pas du tout dire que les films sont identiques ou comparables, si ce n'est dans l'aspect "You Can Do It", tu pourras réaliser ton rêve malgré l'adversité, etc...

Je disais aussi que ce film décrivait l'angoisse et la paranoïa. Là aussi, j'ai tout faux?

Franchement, il y a des gens à qui il faut tout expliquer....

PS: je n'ai pas vu Showgirls, je ne peux donc vraiment pas comparer les deux films

BigJ. a écrit:Je me disais aussi que si j'ai trouvé con ce que d'autres ont trouvé brillant, j'ai dû loupé un truc.

Spoiler:

Ouais... eh bien je suis plutôt d'accord...
Mais c'est un film assez curieux parce qu'il est CON et BRILLANT à la fois.
Brillant , parce que techniquement, une bonne moitié du film est éblouissante.
Digne dans le filmage et le montage du Kubrick de Shining ( pas le meilleur K. tout de même)
Brillant parce qu' Aronofski est capable de citer l'immense Cronenberg sans rougir ( Crash, Vidéodrome...etc).

Couillon, parce qu'à la fin on a quelque chose entre le pire Verhoeren et Lelouch pour le filmage du ballet.
On est à mille lieux des Chaussons Rouges ( dont je ne raffole pas, par ailleurs - je préfère le Narcisse Noir).

Et pourtant, c'est vrai, le film nous a à l'énergie, au finish.
Et puis , au delà de ce culte de la perfection relativement "bateau" dans ce milieu, on peut lire dans l'oeuvre aronofskienne
une assez belle réflexion sur le corps maltraité ( Wrestler était beaucoup plus émouvant sur ce sujet).
Là, peut-être réside la vraie fascination du film , qui rejoint celle qu'exerce les plus beaux Cronenberg.
B.S. est d'ailleurs bien une expérience physique.

Et le travail sur la bande son est tout bonnement superbe.

Avec un peu de recul, on pense aussi au Ken Russel de Tommy et surtout d'Altered States.
Un mélange hyper-séduisant de virtuosité et de kitsch assumé.
Un très grand cinéaste un peu oublié aujourd'hui.
( mais bon... Enter the Void ou les délires de Jan Kounen viennent d'où, d'après vous... C'est pas l'école Bresson et Dreyer, que je sache...)

Et puis , au delà de ce culte de la perfection relativement "bateau" dans ce milieu,

Oui, bon, d'autre part, c'est un milieu, comme celui de l'opéra, où on ne peut tout simplement pas se permettre de ne pas être parfait.

Une ballerine approximative ou une soprano qui réussit presque son contre ut... on ne les revoit pas deux fois sur scène

Bridget a écrit:

Et puis , au delà de ce culte de la perfection relativement "bateau" dans ce milieu,

Oui, bon, d'autre part, c'est un milieu, comme celui de l'opéra, où on ne peut tout simplement pas se permettre de ne pas être parfait.

Une ballerine approximative ou une soprano qui réussit presque son contre ut... on ne les revoit pas deux fois sur scène

Bien sûr, bien sûr...
Je voulais simplement dire que scénaristiquement, c'est très attendu d'associer ce type de milieu à la quête d'une perfection absolue.
Ça ressemble fichtrement à un lieu commun, non ??

wababelooba a écrit:
Ouais... eh bien je suis plutôt d'accord...
Mais c'est un film assez curieux parce qu'il est CON et BRILLANT à la fois.
Brillant , parce que techniquement, une bonne moitié du film est éblouissante.
Digne dans le filmage et le montage du Kubrick de Shining ( pas le meilleur K. tout de même)
Brillant parce qu' Aronofski est capable de citer l'immense Cronenberg sans rougir ( Crash, Vidéodrome...etc).

Couillon, parce qu'à la fin on a quelque chose entre le pire Verhoeren et Lelouch pour le filmage du ballet.
On est à mille lieux des Chaussons Rouges ( dont je ne raffole pas, par ailleurs - je préfère le Narcisse Noir).

Et pourtant, c'est vrai, le film nous a à l'énergie, au finish.
Et puis , au delà de ce culte de la perfection relativement "bateau" dans ce milieu, on peut lire dans l'oeuvre aronofskienne
une assez belle réflexion sur le corps maltraité ( Wrestler était beaucoup plus émouvant sur ce sujet).
Là, peut-être réside la vraie fascination du film , qui rejoint celle qu'exerce les plus beaux Cronenberg.
B.S. est d'ailleurs bien une expérience physique.

Et le travail sur la bande son est tout bonnement superbe.

Yes!

Tu as quasi "paraphrasé" et complété ma pensée, sauf que je trouve que Aronof singe Cronenberg plus qu'il ne le cite: il répète des effets du grand David mais mal-à-propos:

Spoiler:

Et donc, je classe clairement cet aspect dans les défauts couillons du film.
J'ai aussi pensé (après coup) au SHINNING de Kubrick, avec son Nicholson dont on voit bien depuis le début qu'il est fou, et qui grimace de plus en plus à mesure que le film avance.

THE WRESTLER m'avait de même complètement conquis: je n'y ai jamais remis en question que Rourke était un vieux catcheur dopé, j'ai été pris de A à Z dans ses tentatives de rédemption et son trip auto-destructeur.

Ici, Portman en danseuse schizo, je n'y croyais pas. Ou alors, ça me parlait moins. Il y a sûrement de ça aussi.

Musicalement, je trouve comme toi que Mansell a fait un boulot impeccable.

Le défaut par rapport à Wrestler , c'est qu'on ne pouvait pas porter de jugement sur Rourke en tant que catcheur.
Alors qu'on sent bien que Portman, en dépit du travail FORMIDABLE qu'elle accomplit , n'est pas le petit miracle de la danse auquel on veut nous faire croire.
Un peu comme dans la Môme.
Aucune Cotillard au monde ne peut avoir le milliardième du charisme de Piaf quand elle chantait.
C'est le problème de la représentation d'un destin artistique d'exception.
Ce qui fait que l'artiste est unique est évidemment absent de sa représentation.
( exemple récent : le Gainsbourg joué par ce génial acteur de théâtre qu'est El Mosnino. Il a beau faire. La magie est absente)

wababelooba a écrit:Le défaut par rapport à Wrestler , c'est qu'on ne pouvait pas porter de jugement sur Rourke en tant que catcheur.
Alors qu'on sent bien que Portman, en dépit du travail FORMIDABLE qu'elle accomplit , n'est pas le petit miracle de la danse auquel on veut nous faire croire.
(...) le Gainsbourg joué par ce génial acteur de théâtre qu'est El Mosnino. Il a beau faire. La magie est absente)

Tout pareil. J'ai vu GAINSBOURG la semaine dernière, et ça m'a irrité presque tout du long, malgré des idées formidables.
Je recommande d'ailleurs cette scène coupée au montage:

Spoiler:

BigJ. a écrit:

wababelooba a écrit:Le défaut par rapport à Wrestler , c'est qu'on ne pouvait pas porter de jugement sur Rourke en tant que catcheur.
Alors qu'on sent bien que Portman, en dépit du travail FORMIDABLE qu'elle accomplit , n'est pas le petit miracle de la danse auquel on veut nous faire croire.
(...) le Gainsbourg joué par ce génial acteur de théâtre qu'est El Mosnino. Il a beau faire. La magie est absente)

Tout pareil. J'ai vu GAINSBOURG la semaine dernière, et ça m'a irrité presque tout du long, malgré des idées formidables.
Je recommande d'ailleurs cette scène coupée au montage:

Spoiler:

Et j'ai vu l'acteur sur scène cette semaine à Paris dans des pièces en 1 acte de Feydeau.
Il est sublime.
Un immense acteur de théâtre.
Seulement voilà... A l'impossible , nul n'est tenu !

J'ai été revoir le film à nouveau hier soir! Toujours aussi superbe!

Ca rigole pas en Lettonie

Paz a écrit:Ca rigole pas en Lettonie

Ca pourrait être BigJ, mais je crois qu'il a un bon alibi

Depuis le temps que le pop-corn devrait être interdit dans les cinémas...

C'était le grand Clint qui faisait dire au réalisateur représenté dans Chasseur Blanc,Coeur Noir:
" Je refuse de faire des films pour une bande de bouffeurs de pop-corn"
Et il n'avait pas tort, l'animal...
Sauf SAUF qu'un jour, vous allez voir qu' on supprimera ces images à la con qu'on projette dans le noir alors que c'est le rayon confiserie qui fait tourner la boutique...

Vu hier soir et encore une fois Darren a réussi à me marquer par son génie ! Quel spectable boulversant !

BigJ. a écrit:

Spoiler:

Et donc, je classe clairement cet aspect dans les défauts couillons du film.
J'ai aussi pensé (après coup) au SHINNING de Kubrick, avec son Nicholson dont on voit bien depuis le début qu'il est fou, et qui grimace de plus en plus à mesure que le film avance.

THE WRESTLER m'avait de même complètement conquis: je n'y ai jamais remis en question que Rourke était un vieux catcheur dopé, j'ai été pris de A à Z dans ses tentatives de rédemption et son trip auto-destructeur.

Ici, Portman en danseuse schizo, je n'y croyais pas. Ou alors, ça me parlait moins. Il y a sûrement de ça aussi.

Musicalement, je trouve comme toi que Mansell a fait un boulot impeccable.

Alors non, non et non! Faut en finir avec ce "la schizophrénie c'est un dédoublement de la personnalité, Dr Jekyll/Mr.Hyde, et bla bla bla". La schizophrénie est bien résumée dans cette définition:

Parmi les symptômes, citons les idées délirantes (le fait de croire que des gens complotent contre nous), les hallucinations (entendre ou voir des choses qui ne sont pas là), le comportement désorganisé, des changements sur la façon de réagir au milieu environnant, l’absence d’expressions ou d’émotions, des problèmes de concentration, un discours abrégé dénué de détails, la difficulté de planifier en vue d’atteindre des objectifs, des problèmes de mémoire, de la confusion sur le plan de la réflexion et du discours, de la difficulté à tenir une conversation, des mouvements répétitifs (va-et-vient) ainsi que des comportements insensés.

Le problème est donc bien plus complexe qu'un simple dédoublement de personnalité, tout comme pour cette danseuse-étoile et, sur ce point, je trouve que Aronofsky a fait un film brillant, si ce n'est le premier film brillant que je vois sur cette maladie.

Je prendrai peut-être un jour plus de temps pour en faire une critique en long et en large, mais je trouve que celle faite par LvT est l'une des plus intelligentes que j'ai pu lire. Une fois de plus, Aronofsky ne laisse rien au hasard et toutes les scènes qui, durant le film me semblaient parfois gratuites, se voient entièrement justifiées avec l'avancée du film pour un final en apothéose qui m'a laissé scotché sur le siège.

Merci Igor.

Les premiers films d'Aronofski se caractérisent par une grandiloquence indigeste ainsi qu'une certaine candeur juvénile. Requiem for a Dream est ainsi emblématique d'un cinéma passionné et peu nuancé. La force de la mise en scène est atténuée par une approche un peu simpliste du scénario qui n'est, en définitive, qu'un outil pour montrer au spectateur toute la fougue dont est capable de faire preuve Darren Aronofski.

Avec The Wrestler, notre prodige signai le film de la maturité. Une approche plus réaliste et une focalisation sur l'intime. Toujours ses accents passionnés et cette approche désespérée. Ici, la débauche d'effets visuels a disparu, comme si le réalisateur voulait exorciser ses démons et montrer qu'il pouvait s'affranchir d'un style parfois méprisé.

Avec Black Swan, Aronofski semble avoir terminé sa transformation. Il a digéré sa nouvelle approche et s'est réconcilié avec son goût pour la démesure. Son attrait pour le grandiose affleure plus que jamais. Mais cette fois-ci, c'est maîtrisé. Ainsi, il parvient à dresser un portrait d'adolescente convaincant et sensible. Il construit un personnage central qui saura mettre en valeur la force de son histoire. Rendons à César, Natalie Portman incarne à merveille cette beauté froide, ce caractère frustré prêt à exploser. Les seconds rôles ne sont pas en reste. Parmi ceux-ci, Vincent Cassel hérite d'un rôle formidable auquel il donne vie avec prestance et juste ce qu'il faut d'excès.

Les choix esthétiques sont tous bons. Les plans rapprochés et le grain de l'image participent à une ambiance personnelle et réaliste qui ne fera qu'amplifier le sentiment cauchemardesque de la transformation de l'héroïne. La musique est bien dosée, les plans sont superbes, c'est que du tout bon. Les effets sonores empruntent franchement au cinéma fantastique le plus populaire et font la nique aux cinéphiles trop finauds.

D'ailleurs, je ne peux que saluer le retour du fantastique. Maîtrisé de bout en bout, angoissant, onirique, dégoûtant. Une approche du genre englobante qui utilise le genre comme une porte vers la psyché des personnages. Le film de genre comme outil de description d'un réel insaisissable. L'imaginaire, les fantasmes, la paranoïa comme autant de fenêtres sur l'âme. Un film aux multiples niveaux de lectures mais d'une harmonie exemplaire.

J'ai été bouleversé par la justesse du scénario qui construit l'intimité du personnage principal à travers sa relation aux autres. Ou comment décrire l'univers intérieur de quelqu'un à travers son cercle social. Les personnages qui peuvent nous apparaître sombre, à l'image de Cassel, se révèlent comme autant d'alliés et plus profondément comme l'incarnation des désirs de l'héroïne. Au fur et à mesure du film, ils vont jusqu'à perdre leur indépendance pour ne plus exister que comme incarnations des désirs et des angoisses de notre danseuse.

Paradoxalement, dans son parcours auto-destructeur, c'est en fait vers la vie qu'elle se dirige. Et ça, c'est magnifique. Beaucoup ont dit que Black Swan avait le culot de récupérer la Lac des Cygnes sans rien y ajouter mais il n'y a rien de plus faux. Le cygne noir devient blanc, les rôles sont renversés. L'histoire est devenue moderne au fil de la pellicule. Le cygne noir est une femme libérée à la vie intense et pleine là où le cygne blanc n'est que l'image de la femme renfermée, vide, frustrée sentimentale et sexuelle. La transformation est douloureuse mais indispensable et salutaire. Puissant.

Au final, Aronofski livre un drame fantastique, poignant et impressionnant. Le traitement de la paranoïa et de la schizophrénie rappelle les meilleures morceaux de Polanski et notre réalisateur branchouille signe son premier chef d'œuvre. Film virtuose qui le propulse dans le panthéon des tout grands cinéastes.

Chapeau bas Mr. Aronofski, je ne vous croyais pas capable de ça.

Superbe texte, Ethero'! Ca donne envie de revoir le film!

Merci! C'est le cœur qui parle. J'ai vraiment été bluffé par le film. J'avais entamé une critique que j'avais perdue, le jour du visionnage. Il m'a fallu un moment avant d'avoir le temps de recommencer.