La Saga de L'INSPECTEUR HARRY (1971-1988)

En 1971, un polar ayant pour héros un flic désabusé et solitaire au profil de chasseur débarque sur les écrans américains. C'est le début d'une saga qui durera plus d'une décennie. Armé de son .44 Smith & Wesson Model 29, notre héros parcours les rues de San Francisco à la recherche de l'infâme Scorpio, tueur fou et sadique.

L'Inspecteur Harry Callahan se distingue avant tout par son attitude calme et son cynisme face aux situations les plus dramatiques. Flic de choc au sang froid, méprisant aussi bien les voyous que les bureaucrates grassouillets qui l'empêchent de faire son travail, il fait la justice dans la ville à grands coups de flingue et pose les bases d'un nouveau genre de polar.

L'immense succès critique et public du film (95% sur Rotten Tomato, souvent classé dans les sélections des meilleurs films de tous les temps) n'est pas démérité. Le scénario est bien ficelé et prend le temps de mettre en avant son personnage principal. De même, l'enquête est intéressante et pleine de rebondissements bien sentis. Quant à Clint Eastwood il trouve ici un des rôles de sa vie. Il faut le voir manger son hot-dog en dégommant les braqueurs de banque jusqu'à se tirade finale qui mérite bien d'être cité dans le texte:

I know what you're thinking. "Did he fire six shots or only five?" Well, to tell you the truth, in all this excitement I kind of lost track myself. But being as this is a .44 Magnum, the most powerful handgun in the world, and would blow your head clean off, you've got to ask yourself one question: Do I feel lucky? Well, do ya, punk?

Définitivement une scène qui fait date dans l'histoire du cinéma.

Le spectateur assiste à l'enquête de Callahan mais aussi aux exactions mémorables de Scorpio. Le méchant de l'histoire, incarné avec brio par Andy Robinson, est des plus inquiétants et parvient à inspirer le plus grand dégoût à la fois par ses méthodes et son attitude générale.

La position critique du film vis-à-vis du système judiciaire renforce encore le scénario en lui donnant une portée morale. Dirty Harry a déchainé les passions à sa sortie. La gauche américaine, les féministes y voyait un support de défense des idées conservatrices. Aujourd'hui Harry Callahan est entré dans l'imagerie populaire autant comme flic de choc que comme caricature du macho passéiste quelque peu ridicule.

La richesse du scénario est servie par une réalisation technique à la hauteur. Une fois n'est pas coutume, je commence par citer Lalo Schiffrin qui livre une bande son formidable. Savant mélange de plusieurs influences c'est un véritable régal pour les amateurs de bandes jazz et de musique de film. Au niveau de la photographie, la qualité est aussi en rendez-vous alternant entre scènes baignées dans la clarté des journées de San Francisco et sombres moments nocturnes qui rappelle au spectateur qu'une fois le soleil couché, c'est toute la faune de la ville qui s'éveille. Saluons aussi le travail de mise en scène et de cadrage toujours pensé pour mettre en avant le héros ou les buildings de San Francisco.

En conséquence, il faut voir Dirty Harry qui que vous soyez ou que vous viviez. Et si t'es pas content je sors mon .44, punk.

C'était et c'est toujours un film très conservateur.

LvT a écrit:C'était et c'est toujours un film très conservateur.

Et qui a à tort donné une image de fasciste à Eastwood (bon, en même temps, il a pas eu à forcer le trait, il est sympathisant républicain de longue date).

J'ai trouvé quand même le film plutôt léger au niveau de son message. Il soulève franchement la question, mais la traite d'une manière plutôt modérée en penchant, bien sûr, du côté conservateur. Mais ça reste un divertissement avant tout sans message lourdingue comme c'est le cas pour tellement de films de gauche ou critique vis-à-vis du capitalisme où là, bizarrement, la propagande ne gêne plus grand monde. Il me semble qu'il y a souvent deux poids-deux mesures et que la réputation propagandiste du film n'est pas méritée, surtout si on le compare à des choses du genre Walker Texas Ranger ou 300, AKA le guerre d'Irak chez les grecs. Si le film a tant marqué les esprits, c'est peut-être justement parce qu'il pose la question d'une bonne manière, cinématographiquement parlant et que ça a beaucoup gêné les esprit bien-pensants.

Conservateur, oui, mais pas outre mesure. Tout ça, c'est de la polémique pour scribouillard de feuille de chou et pour donner de la chaire fraiche au peuple. Toc!

Quant à Eastwood, c'est en effet un sympathisant républicain et un défenseur des libertés mais c'est aussi un farouche adversaire des multiples guerres qu'ont porté les Etats-Unis. Bref, c'est un vrai libéral.

Enfin, j'aurais préféré qu'on parle des qualités de ce magnifique film.

Etheroman a écrit:Mais ça reste un divertissement avant tout sans message lourdingue comme c'est le cas pour tellement de films de gauche ou critique vis-à-vis du capitalisme où là, bizarrement, la propagande ne gêne plus grand.

Un grand moment d'humour, merci, tes positions de droitiste font de toi un drôle de comique (raté). Dommage encore un talent gâché.

Et pour revenir au film qui n'est pas n'ont plus un chef-d'oeuvre (faut pas déconner), disons plutôt que c'est le personnage ériger en héros qui distille une image plus que républicaine, par son machisme, son racisme, et ses méthode expéditives en dehors de toute réflexion, que le film lui-même.

Mes opinions ne sont pas la question, voyons. Tu esquives le propos en m'attaquant là!

Il faut plutôt savoir si le film est propagandiste à un point où ça en devient gênant pour l'histoire. Et je trouve que ce n'est vraiment pas le cas ici. Si il faut être en accord avec la moralité de tous les personnages dont on suit les aventures, où va-on?

En l'état, c'est un scénario qui tient la route et qui a le mérite de taper là ou ça fait mal. Il y a une critique de notre ami Lorenzo, sur son blog où il défend assez justement le film. Bon après, si tout ceux qui pensent que Dirty Harry n'est outrageusement "droitiste" comme tu dis sont des comiques, je pense que la discussion est terminée.

PS: Désolé si je rate des mots, ça m'arrive parfois. J'écris trop vite et n'ai pas le temps de me relire. D'habitude, c'est Paz qui me rappelle à l'ordre.

Tu ne lis pas non plus les posts des autres
Je ne dis pas que c'est le film, mais son personnage ériger en héros. Et pour Lorenzo, pas étonnant du tout. Il ne faut pas non plus se voiler la face en ne voyant que de la distraction dans certaine oeuvre et passer à côté d'un discours parfois larvaire. Donc, pour résumer, Dirty Harry n'a rien d'un film propagandiste, mais il fait de son personnage peu recommandable un héros, le bourrin dans toute sa splendeur statufié, quoi.

Et je ne dis pas que les droitistes sont des comique (quoique depuis qu'ils ne veulent pas voir l'effondrement de leur mentalité et les limites de leur doctrines, ils sont bien risibles), j'ai juste trouvé ton laïus anti-gauche, ridicule et c'est mon droit, non?

Donc, pour résumer, Dirty Harry n'a rien d'un film propagandiste,

OK, c'est tout ce que je voulais lire.

Et je ne dis pas que les droitistes sont des comique, j'ai juste trouvé ton laïus anti-gauche, ridicule et c'est mon droit, non?

Oui, tu as bien le droit. N'empêche que je m'étouffe souvent devants les poncifs de type bisounours qu'on me sert à longueur de bobine. On peut être de gauche ou de droite. Mais je ne vois ce qu'il y a de comique à dire que le cinoche est bourré de patrons de grandes entreprises (le promoteur est un autre classique du genre) aux soucils pointus qui fument de gros cigares en réfléchissant à la prochaine manière de se faire du blé sur le dos des innocents. Ca c'est plus gênant. Et encore une fois, pour faire bonne mesure je te redonne l'exemple de Walker Texas Ranger qui est lui un exemple de propagande niaise droitiste pour montrer ma bonne fois.

Et donc oui, je trouve injuste qu'on fasse des procès (je ne parle pas de toi) à des films comme Dirty Harry quand on vois le genre de conneries décérebrées et carrément nocives qu'on trouve sur les écrans.

Et le jour ou je ferais un laïus anti-gauche, ça ne ressemblera pas à cette petite pique. Personne ne se relèvera.

Oui, c'est vraiment la grande époque des racailles dans les mégapoles américaines.

Ca rejoint la discussion qu'on a avec LVT. L'insécurité des villes étaient un gros sujet de société. A ce titre, c'est vraiment un film ancré dans son époque. Ce côté "chaleur de la nuit" c'est assez fascinant. Maintenant, tout ça a été repoussé dans les banlieues et les quartiers de centre ville deviennent des repères de "bobos" à prix exorbitants. Un Dirty Harry n'y serait tout simplement plus crédible et n'aurait rien à y faire.

Ces deux n'ont jamais été aussi bon que dans Les Proies, faux western hallucinant qui parlent 10'000 fois mieux de son époque, les années 70, que ce polar qui n'a franchement rien de transcendantal et qui bénéficie d'une aura que je trouve particulièrement volée.

Etheroman a écrit:Oui, c'est vraiment la grande époque des racailles dans les mégapoles américaines.

Ca rejoint la discussion qu'on a avec LVT. L'insécurité des villes étaient un gros sujet de société. A ce titre, c'est vraiment un film ancré dans son époque. Ce côpté "chaleur de la nuit" c'est assez fascinant. Maintenant, tout ça a été repoussé dans les banlieues et les quartiers de centre ville deviennent des repères de "bobos" à prix exorbitants. Un Dirty Harry n'y serait tout simplement plus crédible et n'aurait rien à y faire.

Alors-là, très juste, ce qui donne quand même un côté ringard à vouloir encore l'encenser aujourd'hui.

Ben, en fait, je dois dire que je m'attendais à un film plutôt médiocre. Et en faisant des recherches dessus, j'ai été surpris de cette bonne réputation. Je croyais, que c'était une sorte de film d'action poussif et méprisé. En fait, il est très aimé. Je dois dire que, pour cette fois, je rejoins la masse.

LvT a écrit:Ces deux n'ont jamais été aussi bon que dans Les Proies, faux western hallucinant qui parlent 10'000 fois mieux de son époque, les années 70, que ce polar qui n'a franchement rien de transcendantal et qui bénéficie d'une aura que je trouve particulièrement volée.

Ouais, LES PROIES c'est la grande classe. L'association de ses deux compères à souvent donné de très bonnes choses.
Et j'aime aussi beaucoup DIRTY HARRY. Un beau testament urbain d'une certaine époque. Et quel personnage! Clint y est fabuleux!

Je loue plus le fait que le grand Clint ait eu, dans son magnifique Gran Torino, le recul indispensable et un regard critique sur ce personnage qui lui a fait plus de tort que de bien, que cette saga fort discutable et pas que dans le fond.

Paz a écrit:

LvT a écrit:Ces deux n'ont jamais été aussi bon que dans Les Proies, faux western hallucinant qui parlent 10'000 fois mieux de son époque, les années 70, que ce polar qui n'a franchement rien de transcendantal et qui bénéficie d'une aura que je trouve particulièrement volée.

Ouais, LES PROIES c'est la grande classe. L'association de ses deux compères à souvent donné de très bonnes choses.
Et j'aime aussi beaucoup DIRTY HARRY. Un beau testament urbain d'une certaine époque. Et quel personnage! Clint y est fabuleux!

Pour moi, c'est vraiment le moins bon du duo, Le Canardeur est 10'000 fois supérieur à cette saga, ô combien surestimée.

LvT a écrit:Pour moi, c'est vraiment le moins bon du duo, Le Canardeur est 10'000 fois supérieur à cette saga, ô combien surestimée.

Non mais attends. Tu l'as vu récemment? Parce que c'est quand même bien chiadé. Déjà, toi qui aime les BO, tu te souviens de celle de ce film? J'ai trouvé ça génial. Et y a des plans notamment aériens vraiment super bien sentis. T'es sûr que tu reste pas sur un mauvais souvenir de je ne sais quel autre épisode de la saga?

Ecoute, j'essaie souvent, mais je me lasse très vite en général. Pour ce qui est de la musique, très d'accord, mais Schifrin a fait nettement mieux.

La saga Dirty Harry ne m'a jamais autrement emballé. Il y a bien d'autres film de Siegel ou Eastwood de cette période que j'ai vu et revu, mais je ne me souviens pas avoir vu un seul épisode de cette série en entier, si ce n'est justement ce premier Dirty Harry. Découvert il y déjà plusieurs années, j'avais le souvenir d'un polar poussiéreux, longuet, duquel surnageait le flegme et la classe intégrale de Eastwood et quelques dialogues biens sentis.

Après la découverte (grosse découverte) de la musique de Schifrin qui a été une petite claque, j'ai décidé de me plonger dans cette série (j'avais malgré tout acheté les Blu Ray des 5 films... consumérisme quand tu nous tiens).

GRAND bien m'en fasse. J'ai du mal à croire que j'ai pu avoir aussi longtemps l'image d'un polar mou du cul et vieillot. J'ai trouvé ça brillant d'un bout à l'autre, avec une mise en scène de Siegel absolument superbe, entre caméra à l'arraché et technique ultra précise, avec un sens du rythme épatant. Il y a bien une lenteur, mais une belle lenteur calculée, qui pose une ambiance glaçante, avec une utilisation de l'humour et des bons mots jouissives (les dialogues sont excellents), contrastant avec la gravité générale du film. Parce que là où le film m'a sans doute le plus surpris, c'est dans sa noirceur. On est bien loin du polar à papa décontracté, Dirty Harry est bien un film sale, très violent, d'une sécheresse abominable, que la musique de Schifrin souligne magnifiquement. Ce plan d'hélicoptère quittant le stade avec les cris de Scorpio et la musique de Schifrin en fond sonore, c'est tout bonnement immense et très dérangeant, d'autant que Siegel coupe ensuite sur la découverte du cadavre de la fille au petit matin, encore une fois avec une crudité totale, sans apparat.

On est totalement dans une cinéma 70's que j'adore jusqu'à l'admiration. Dans sa liberté de ton, sa mise en scène, la folie furieuse que dégage le film (les poursuites avec Scorpio, ce plan de ces yeux dans la nuit, au stade) et la perfection du jeu de Eastwood, qui habite Callahan d'un bout à l'autre du film. Personnage qui ne le quittera pas vraiment et à partir duquel il travaillera fréquemment en variation, d'un rôle à l'autre.

C'est donc une belle redécouverte et, si je sais la suite de la série moins brillante que ce premier épisode, je sens que je vais quand même beaucoup m'amuser en la découvrant. Bon je retourne à la BO du film moi...

Jolie critique qui relève bien certains moments clés du film. Ca donnerait presque envie de déjà le revoir.

Mitchell a écrit:C'est donc une belle redécouverte et, si je sais la suite de la série moins brillante que ce premier épisode, je sens que je vais quand même beaucoup m'amuser en la découvrant. Bon je retourne à la BO du film moi...

Les deux suivants sont un peu plus légers, mais ça reste quand même très fort.

Colqhoun a écrit:Les deux suivants sont un peu plus légers, mais ça reste quand même très fort.

Justement :

Magnum Force de Ted Post
Scénarisé par Cimino et Milius, on a un peu ce sentiment que le film cherche à apaiser la polémique qu'avait provoqué le premier film. Harry est humanisé, sa vie privée est mise, un peu, en avant et, surtout, il ne cautionne pas la justice expéditive à laquelle s'adonne le groupe de tueurs. Du coup le scénario est plutôt intelligent, pas forcément renversant, mais très efficace dans son genre. Et je dois avouer que la mise en scène de Ted Post, très inspiré de celle de Siegel, est d'une belle efficacité, certaines séquences d'actions rivalisant carrément avec celles du premier film. Et j'ai a nouveau été impressionné par la violence (l'ultra violence même par moment) du film et sa liberté de ton. Ca fleur une fois encore bon le cinéma des 70's, c'est carré, efficace, Eastwood a la classe intégrale et si je trouve la fin un peu en retrait, le reste est très bon.

The Enforcer de James Fargo
Déjà nettement moins emballé par celui-ci. On continue plus ou moins avec le même schéma que les 2 précédents, Fargo fait un boulot plutôt efficace quoi que moins emballant que ce qu'à fait Post avant lui, on plus l'impression d'un cahier des charges appliqués avec un certain savoir faire, mais sans aucun génie. La musique de Fielding m'a également un peu déçu, surtout après les partitions extraordinaires des 2 premiers films. Scénaristiquement on continue d'adoucir le personnage de Harry, avec cette histoire de fliquette qui lui colle aux basques, il y a un côté buddy movie (les "Marvelous" répétés de Harry) qui fait perdre beaucoup de son côté salopard froid à son héros, du coup tout fonctionne moins bien. Je vais pas m'attarder non plus sur les bad guys que j'ai trouvé très fade. Au final un petit polar que Eastwood fait briller de sa présence, mais pas beaucoup plus.