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    "Même la Pluie", de Iciar BOLLAIN (2010)

    marrou
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    "Même la Pluie", de Iciar BOLLAIN (2010) Empty "Même la Pluie", de Iciar BOLLAIN (2010)

    Message par marrou Mer 31 Juil - 7:06

    Film fort et troublant. Pas seulement parce qu’on a là un film où on voit des gens qui tournent un film*, mais parce que, dans ce film, cette mise en place n’est pas un jeu d’esthète mais une façon de trancher : si on veut frapper le spectateur avec une question grave, vaut-il mieux un doc ou une fiction ? « Même la pluie » fait d’ailleurs mieux qu’entremêler les deux : il complique encore les choses en rappelant l’Histoire (Conquête sanguinaire et rapace par les Conquistadors), en montrant le filmage de cette Histoire par des étrangers (Espagnols ou Mexicains de la ville), en soulignant la similitude entre passé lointain et contemporanéité (Indiens spoliés et sauvagement réprimés), et en faisant se rejoindre fiction et réel grâce à une dramatisation très efficace : le patron du film passe de l’indifférence calculatrice pour le sort de ses figurants indiens à l’engagement à leurs côtés dans la lutte bien réelle qu’ils mènent contre les forces de police ou l’armée au service d’une multinationale.

        Ensemble très intelligent. On sait bien qu’un doc ennuie beaucoup de monde, que, d’un autre côté, on a déjà maintes fois raconté cette histoire, et qu’une histoire qui reprend l’Histoire risque de ne rester qu’une histoire, aux yeux d’un trop grand public, qui, d’ailleurs, préfèrera sans doute voir une grosse production venue des USA. Dans cette question du « comment s’y prendre ? », souvenons-nous, par exemple, de « La Controverse de Valladolid », qui, comme dans ce film, parlait de la célèbre opposition de LAS CASAS à l’Empire espagnol (seul contre un Empire, comme le rappelle le film), mais qui, utilisant le moule du film de procès, restait un téléfilm un peu théorique ou abstrait. Ici, l’Histoire  et le réel bien contemporain nous sautent à la figure, puisque le spectateur voit sans difficulté l’analogie entre l’attitude des Conquistadors et celle des pouvoirs en place, nationaux et étrangers, à notre époque, face à leurs populations, privées de l’usage d’un bien fondamental : l’eau. Combinatoire menée sans attendrissement, sans manichéisme, avec une certaine pudeur, presque une certaine sécheresse.

        Les parallélismes sont poussés loin. Certes, on ne donne plus les enfants à manger aux chiens, on ne coupe plus les bras des Indiens qui ne rapportent pas assez d’or, on ne brûle plus les insoumis, mais on tue, on veut mettre l’eau à des prix qui la rendent infiniment trop chère pour les gens du peuple. Mais le film ne se contente pas des parallélismes ni de  cet emboîtement Histoire, histoire, récit, doc : il remet en cause l’histoire. Fini de rire : le film ne se fait pas, l’équipe presque toute entière s’enfuit, terrorisée par la violence, et, avant dans le récit, les Indiennes actrices, refusent de tourner la scène où les chiens doivent manger les enfants et où elles sont censées préférer les noyer plutôt que de les laisser être dévorés par les chiens : elles ne comprennent pas qu’on puisse jouer avec cela, narrer et représenter ce qui leur apparaît comme bien trop réel, même si, assurément, elles doivent jouer la scène avec des poupons. Impuissance des histoires, quand le réel impose ses violentes contraintes.

    *c’est une tarte à la crème, depuis pas mal de temps ou de films : mise en abyme ou astuce de la Vache qui Rit, le principe du film dans le film peut séduire ou faire bâiller. Ici, on ne bâille  pas.

      La date/heure actuelle est Jeu 16 Mai - 14:55